Plusieurs
semaines étaient passées sans qu'une nouvelle disparition ne vienne
perturber notre vie à l'institut. Nous avions tous repris une (un)
rythme de vie normal, occupé par les cours le matin et
l'entraînement l'après-midi, tout en restant sur nos gardes. Nous
n'étions plus tenu de nous déplacer en groupe et je devais dire que
me retrouver un peu seule me fit le plus grand bien. Rien de mieux
qu'un peu de solitude pour apprécier les moments entre amis.
L'après-midi, Ian avait accepté de m'aider à développer mes dons.
Je voulais absolument me servir de mon don de guérison en action,
guérir mes amis à mesure qu'ils seraient blessés pendant les
combats serait un avantage non négligeable. Je voulais également me
servir des capacités à déplacer les objets par la pensée, qu'ont
les anges, lors de combats pour aider les autres ou même me
défendre. Ian m'avait longtemps rabâché que c'était un acte
dangereux car il demandait une grande concentration et que j'avais
besoin d'être vigilante face aux mouvements de mon ennemi.
–
Fait donc attention à mes pieds ! S'exclama Adam.
–
Pardon !
Pour
l'heure, je devais me consacrer à ce que je faisais si je ne voulais
pas une fois de plus piétiner les pieds de mon partenaire. Le pauvre
Adam... je passais plus de temps à lui marcher dessus qu'à me
concentrer. Je ne parvenais plus à danser dès lors que mon
attention était portée sur Ian et sa main ensanglantée. Mon petit
ami un peu masochiste, il faut bien le dire, devait me crier de le
laisser ainsi et de danser pour que j'obtempère. L'envie de stopper
son sang pour le retenir en lui plutôt que de le laisser se déverser
sur le sol était parfois plus forte que ma détermination à
parvenir à mes fins.
Nous
dansions depuis deux minutes. Je vis Ian prendre son Athamée et se
couper.
–
Concentre-toi Erin, pense un peu à mes pieds qui souffre de la
torture que tu leurs infliges.
–Je vais essayer.
–
Concentre-toi Silver !
–
Je fais de mon mieux Ian. Je t'assure.
–
Tu veux y arriver ?
–
Tu le sais bien !
–
Alors concentre-toi !
Je savais
qu'il me poussait à bout pour me faire avancer mais je n'étais pas
habituée à la froideur de sa voix. Je mis mes états d'âmes de
côté et me concentrai sur mes pieds, une fois dans le rythme, je
visualisais la main de Ian comme s'il était à deux pas et me la
tendait pour que je la soigne. Je voyais parfaitement la coupure à
peine profonde qui barrait sa paume, les deux pans de chair laissant
écouler son fluide vital. Je dirigeais mon attention sur la plaie et
la visualisais en train de se refermer. La peau de Ian se resserrait
peu à...
–
Aïe ! S'écria Adam.
–
On arrête pour ce soir, nous informa Ian froidement.
–
Ok, je vous laisse, je vais aller prendre une bonne douche et un bain
de pied, j'ai les orteils fracassés.
–
Navrée... lui dis-je avant qu'il ne quitte la salle d'entraînement.
–
T'en fais pas, me rassura-t-il en souriant. Je compte bien aller me
faire chouchouter par Cloé, faut bien que j'y trouve un avantage non
?
Je lui
offris un simple sourire pour réponse et dirigeai mon attention sur
Ian dont le visage affichait une mine défaite.
–
Ça ne va pas ? Tu as mal ?
Ian
se tourna vers moi et me dévisagea.
–
Non ça ne va pas Silver.
–
Qui y-a-t-il ?
–
Il y a que tu t'entêtes à faire quelque chose qui demande des
années d'expérience !
–
Mais c'est pour notre bien à tous !
–
Et moi ?
–
Quoi toi ?
–
Tu penses à ce que je ressens ?
–
Je ne vois pas le mal.
–
Laisse tomber !
–
Ian... Appelai-je alors qu'il quittait la salle.
Nous nous
disputions souvent à ce sujet ces derniers temps. Ian avait accepté
de m'entraîner après que je lui ais promis que j'abandonnerais
l'idée si l'entraînement ne donnait aucun résultat. C'était le
cas pour le moment, mais je ne perdais pas espoir d'y parvenir. Je
savais qu'il s'était énervé parce que je ne tenais pas ma promesse
mais je n'étais pas prête à renoncer. Pas maintenant. Et tant pis
si nous devions nous disputer de temps à autre, au final, ça en
valait la peine.
Le
cœur lourd, je m'assis contre le mur de droite et remontai mes
genoux pour les enlacer de mes bras. J'y appuyais mon menton et
fixais le tas de coussin empilés contre le mur opposé. Il fallait
absolument que j'arrive à les déplacer. Cela redonnerait espoir à
Ian et nos disputes cesseraient enfin car il aurait la preuve que
j'en suis capable.
À
l'aide de ma télékinésie, je les fis voler dans tous les sens, les
envoyant se cogner contre les murs. J'étais toujours capable de
déplacer les objets, alors pourquoi ne l'étais-je pas lorsque j'étais en mouvement?
–
Je te dérange ?
Surprise
je perdis ma concentration et tous les coussins tombèrent dans un
même mouvement au sol. Je tournais la tête vers Brice, qui se
tenait debout juste à coté de moi. Je ne l'avais même pas entendu
rentrer. Ian avait raison, je ne pourrais jamais me servir de mes
dons tout en me défendant. J'en avais une fois de plus la preuve, je
n'avais pas entendu rentrer Brice et lorsque mon esprit s'était
rendu compte de sa présence, tous les coussins avaient cessé leur
valse.
–
Non.
–
À quoi jouais-tu ?
–
À rien, je perdais mon temps.
–
Je peux le perdre avec toi ?
–
Si t'en as envie.
–
On fait une bataille ?
–
De coussins ?
–
Évidement ! Viens.
Brice
se leva et me tendit la main pour m'aider à quitter le sol. Je la
pris et le suivis au centre de la salle. Nous nous tenions face à
face. Brice partagea le tas d'oreiller en deux tas égaux. Puis sans
le toucher, il me lança un premier coussin. Je ne m'y attendais pas
et le pris en plein visage. Brice éclata de rire et m'en lança un
second qui me percuta lui aussi.
–
Il me semblait que tu savais faire voler les objets...
–
Je n'étais pas prête !
–
D'accord.... tu l'es maintenant ?
–
Oui.
Un
nouveau coussin s'envola vers moi mais je l'évitai et lui en envoyai
un à mon tour. Brice n'eut aucun mal à l'éviter et à répondre à
mon attaque. Le coussin me fis reculer d'un pas en me touchant en
pleine poitrine. De coussin en coussin, je fini par me détendre et
prendre plaisir à ce petit jeu. Alors qu'un oreiller toucha mon
adversaire en plein visage, Brice en attrapa un à pleine main et me
frappa avec.
–
Tu triches... Dis-je entre deux coups.
–
Je n'aime pas perdre, rigola-t-il.
Victime
de ses coups, je m'effondrai au sol. Brice se mit à califourchon sur
moi et m'immobilisa de ses jambes.
–
Tu t'avoues vaincue ?
–
Jamais, répondis-je alors que la situation était désespérée.
–
Je vais te faire changer d'avis.
Brice
se mit à me chatouiller. Je n'en pouvais plus. Je rigolais tellement
que j'en avais mal au cotes et que ma respiration était difficile.
J'allais finir par m'étouffer si Brice ne cessait pas.
–
Pitié, pitié....arrête...
–
Tu t'avoues vaincu ?
–
Non, dis-je ne voulant pas abandonner.
–
Alors pas de pitié !
Brice
repris ses chatouilles. Je parvins tant bien que mal à dégager mes
mains et à le contrer. Mais je n'étais pas assez forte pour le
maintenir à distance. Alors qu'il avait attrapé mes deux poignets
dans ses grandes mains, un coussin vint percuter sa tête avec force.
Brice se retourna et regarda tout autour de lui. Il n'y avait
personne.
–
Comment as-tu fais ça ? Me questionna-t-il.
–
Je... Je n'ai rien fait.
–
Erin, il n'y a personne ici à part nous et je ne me suis pas frapper
tout seul. Tu l'as déplacé alors que tu te débattais pour que je
te lâche. C'est incroyable. Recommence !
–
Impossible. Je ne sais pas comment j'ai fait.
–
Essai...
–
Ok.
Brice
me chatouilla à nouveau. Me débattant, je n'arrivais pas à lui
envoyer un nouvel oreiller. La joie qui m'avait assailli quelques
minutes plus tôt me quitta devant mon échec.
–
Tu sembles épuisée, mieux vaut arrêter pour aujourd'hui.
–
Mieux vaut abandonner je crois.
–
Abandonner ! Mais tu es folle ?! Tu as un pouvoir inimaginable, tu
dois absolument le travailler.
–
Ça fait des semaines qu'on y travaille avec Cloé, Adam et Ian sans
que ça ne donne rien.
–
Mais tu y es arrivée là !
–
Un coup de chance. Ian a raison, il vaut mieux que j'abandonne cette
idée, c'est bien trop dangereux.
–
Tu as réussi une fois, c'est que c'est possible. Erin... n'abandonne
pas...
–
Ian et moi ne cessons de nous disputer pour ça, j'en ai assez.
–
Dis-lui... Dis-lui que tu as réussi... Dis-lui que tu m'as frappé
avec ce coussin alors que tu te défendais.
–
Il ne voudra rien entendre.
–
S'il te plaît Erin, essai de lui en parler.
–
Arrêtons d'en parler.
–
Comme tu voudras... Ça te dis une bonne glace ? Aller...
ajouta-t-il devant mon silence. Il serait temps que tu visites un peu
Londres.
–
Ok, je te suis.
Je
ne pris même pas la peine de me changer et suivit Brice jusqu'à sa
voiture. Il nous mena de rue en rue jusqu'à la Tamise. Brise
stationna sur un grand parking et m'invita à sortir. Il m'offrit son
bras et me conduisit jusqu'au bord du fleuve. Devant nous, « The
London eye » se dressait de toute sa hauteur. D'où nous nous
tenions, cette grande roue très célèbre pour son emplacement, me
semblait gigantesque.
–
On monte faire un tour ?
–
Ok.
–
Tu vas voir, la vue est magnifique.
Nous
fîmes la queue. Brice discuta discrètement avec la caissière et la
paya avant de me rejoindre. Un homme nous ouvrit la porte de la
cabine, nous montâmes et il la referma juste derrière nous après
que la caissière lui ait parlé.
–
Nous ne sommes que deux !
–
Je me suis arrangé pour. Normalement, une vingtaine de personnes
montent dans chaque nacelle.
–
Tant que ça !
–
Oui et il valait mieux éviter de nous retrouver coincé avec un ou
plusieurs traqueurs.
–
Oui, tu as raison.
Notre
nacelle se mit en mouvement. Quand nous atteignîmes le sommet, je
fus stupéfaite de la vue qui s'offrait à nous. Brice tenta de
remettre le sujet de mon don sur le tapis mais je l'en décourageai
aussitôt. Je ne voulais pas gâcher ce moment. Trente minutes plus
tard, le tour était fini et nous marchions sur les bords de la
Tamise. Brice nous conduisit vers un glacier. Une fois assis à une
table, on nous remit une carte avec des dizaines de glaces
différentes. Difficile de choisir. Devant mon hésitation, Brice
m'en conseilla une. « La spéciale » Une glace à
partager. Dedans, salade de fruits, six boules de glace aux parfums
des îles, chantilly, coulis de mangue et éclat de caramel sur le
dessus. Quand le serveur apporta le support en verre je n'en revint
pas devant la taille de cette gourmandise.
–
T'es fou, on va jamais manger tout ça ! M'exclamai-je.
–
Toi peut-être pas mais moi oui.
Pour
me prouver ses dires, il trempa sa cuillère et prit une première
bouchée de glace et chantilly. Je pris ma cuillère et en fis de
même. Brice et moi en profitâmes pour discuter de nos vies
respectives. Il me demanda comment Ian et moi nous étions
rencontrés. Je lui racontais alors ce qui m'avait conduit sur ce
toit de New-York et comment il m'avait dissuadée de sauter. En
retour, il me parla de Cassie, de leur rencontre, comment elle avait
été la première à qui il avait pu se confier et comment leur
amitié avait fini en histoire d'amour. Il en vint à me raconter sa
demande en mariage et la joie qui l'avait submergé lorsqu'elle lui
avait dit oui. Le sujet de nos fiançailles à Ian et moi suivit.
Brice avait entendu Rose en parler à qui voulait l'entendre.
–
J'aurais voulu te le dire moi même.
–
Et pourquoi ça ?
–
Parce que je voulais attendre que Cassie soit de retour.
–
C'est gentil de ta part, mais tu sais, vos vies à tous ne vont pas
s'arrêter pour nous.
–
Je ne voulais pas te causer plus de peine.
–
Et je t'en remercie, mais je suis vraiment content pour vous deux. Je
vous souhaite beaucoup de bonheur. Sincèrement.
–
Merci.
–
Et s'il n'assure pas, viens me le dire, je m'occuperais de lui. C'est
mon rôle puisqu'on est ami. N'est-ce pas ?
–
Merci mais je suis certaine que Ian sera à la hauteur.
–
Il le sera s'il te laisse faire tes choix et apprend à t'encourager.
–
Il m'encourage !
–
Pas pour ce qui est de tes capacités en tous cas.
–
Ne reviens pas sur ce sujet Brice s'il te plaît.
–
Promets-moi de lui dire que tu as réussi alors.
–
Je... Ok, je vais lui dire. Cédai-je finalement.
–
Il faut croire en toi Erin. Si ton petit ami est trop bête pour
t'encourager, moi je le ferais.
–
Ian n'est pas bête, il a juste peur que je me mette en danger.
–
Tu ne seras pas en danger si tu le maîtrises , et maintenant que tu
l'as fais une fois, il ne te reste plus qu'à travailler.
–
Tu as peut-être raison...
–
Non ! J'ai raison et je serais confiant pour trois s'il le faut.
Maintenant, file voir ton homme et va lui raconter ton exploit.
Une
fois de retour à l'institut et forte des encouragements de Brice, je
me rendais directement dans notre chambre. En entrant, j'entendis
l'eau couler dans la douche. J'entrais doucement dans la salle de
bain et m'assurais qu'il s'agissait bien de Ian. Je verrouillais la
porte donnant sur l'autre chambre et ôtais mes vêtement. Lorsque
j'ouvris la porte de la douche, Ian se retourna mais ne m'adressa pas
le moindre sourire. C'était ça façon à lui de me faire comprendre
qu'il n'était pas d'accord avec moi.
–
J'allais sortir, je te laisse la place.
–
Non, reste...
Il
se recula m'invitant à le rejoindre. J'entrais hésitante.
–
Ne m'en veux pas...
–
Silver, je n'ai pas envie d'en parler.
–
Mais ...
–
Non ! Tu connais mon point de vue.
–
Oui. Dis-je doucement, la voix brisée par la déception.
–
N'en parlons plus, viens-là.
Ian
m'attira à lui et m'embrassa sous l'eau s'écoulant sur nos deux
corps nus. J'aurais voulu lui dire que j'avais réussi, que j'étais
parvenue à faire voler ce fichu coussin tout en luttant contre Brice
mais je ne voulais plus de dispute, je ne voulais plus voir ce visage
froid se tourner vers moi. J'aimais Ian et je ne supportais plus
cette situation conflictuelle. J'abandonnais.
Je
me laissais aller contre le corps de Ian et au fil de mes baisers, je
sentais ses muscles se détendre. Peu à peu je retrouvais celui que
j'aimais et qui m'aimait en retour. Nos baisers se firent si
entreprenant que Ian m'attira contre lui et me souleva du sol.
J'enroulais mes jambes autour de sa taille et me pressais tout contre
son torse. Ian nous sortit de la cabine de douche et me déposa sur
le plan libre du lavabo. Il resta entre mes jambes et m'embrassa
avidement faisant courir ses mains sur la totalité de mon corps
frissonnant sous ses caresses. Il parcourut ma colonne vertébrale du
bout du doigts tout en mordillant le lobe de mon oreille. La
sensation fut si puissante que je me contorsionnais me pressant un
peu plus contre lui. Ian prit ça comme une invitation a devenir plus
intime. Il me fit glisser sur le marbre, me rapprochant du bord et
entra doucement en moi. Une vague de chaleur m'enveloppa et le désir
nous inonda tout deux. Nous n'avions jamais fait l'amour aussi
sauvagement. Cette fois c'était notre désir qui commandait. Nous ne
répondions qu'à nos pulsions, qu'à notre besoin de sentir l'autre
toujours plus près. Heureusement que j'avais fermé la porte car un
intrus aurait pu être choqué. Nous finîmes notre étreinte sur le
matelas confortable de notre lit.
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