samedi 17 novembre 2012

Chapitre 9




 Plusieurs semaines étaient passées sans qu'une nouvelle disparition ne vienne perturber notre vie à l'institut. Nous avions tous repris une (un) rythme de vie normal, occupé par les cours le matin et l'entraînement l'après-midi, tout en restant sur nos gardes. Nous n'étions plus tenu de nous déplacer en groupe et je devais dire que me retrouver un peu seule me fit le plus grand bien. Rien de mieux qu'un peu de solitude pour apprécier les moments entre amis. L'après-midi, Ian avait accepté de m'aider à développer mes dons. Je voulais absolument me servir de mon don de guérison en action, guérir mes amis à mesure qu'ils seraient blessés pendant les combats serait un avantage non négligeable. Je voulais également me servir des capacités à déplacer les objets par la pensée, qu'ont les anges, lors de combats pour aider les autres ou même me défendre. Ian m'avait longtemps rabâché que c'était un acte dangereux car il demandait une grande concentration et que j'avais besoin d'être vigilante face aux mouvements de mon ennemi.

– Fait donc attention à mes pieds ! S'exclama Adam.
– Pardon !

Pour me mettre en situation, Ian avait eu l'idée de me faire danser. Notre tentative précédente m'avait causé bien trop d'hématomes à son goût. Adam avait donc été désigné comme mon partenaire alors que Ian se tenait un peu plus loin et s'entaillait la main. Je n'aimais pas cette idée mais sans la vue de son sang, je ne parvenais pas à me dépasser. Je ne devais pas perdre le rythme tout en guérissant sa plaie... ça n'aboutissait pas beaucoup et toutes les cinq minutes je devais le soigner et il devait se ré-entailler la paume. J'avais horreur de ça ! Chloé nous aidait lorsque je voulais travailler ma télékinésie. Elle attaquait Ian et j'avais tout un stock de coussins en plume à soi-disant lui envoyer pour venir en aide à Ian. Nous n'avions jamais besoin de les ranger puisque jusqu'à ce jour je n'étais pas encore parvenue à en faire décoller un seul du sol.
Pour l'heure, je devais me consacrer à ce que je faisais si je ne voulais pas une fois de plus piétiner les pieds de mon partenaire. Le pauvre Adam... je passais plus de temps à lui marcher dessus qu'à me concentrer. Je ne parvenais plus à danser dès lors que mon attention était portée sur Ian et sa main ensanglantée. Mon petit ami un peu masochiste, il faut bien le dire, devait me crier de le laisser ainsi et de danser pour que j'obtempère. L'envie de stopper son sang pour le retenir en lui plutôt que de le laisser se déverser sur le sol était parfois plus forte que ma détermination à parvenir à mes fins.
Nous dansions depuis deux minutes. Je vis Ian prendre son Athamée et se couper.

– Concentre-toi Erin, pense un peu à mes pieds qui souffre de la torture que tu leurs infliges.
–Je vais essayer.

Garde le rythme, garde le rythme, me répétais-je pour ne pas perdre le contrôle. Il n'est pas en danger, danse et guéri- le, tu peux le faire, m'encourageais-je.

– Concentre-toi Silver !
– Je fais de mon mieux Ian. Je t'assure.
– Tu veux y arriver ?
– Tu le sais bien !
– Alors concentre-toi !

Je savais qu'il me poussait à bout pour me faire avancer mais je n'étais pas habituée à la froideur de sa voix. Je mis mes états d'âmes de côté et me concentrai sur mes pieds, une fois dans le rythme, je visualisais la main de Ian comme s'il était à deux pas et me la tendait pour que je la soigne. Je voyais parfaitement la coupure à peine profonde qui barrait sa paume, les deux pans de chair laissant écouler son fluide vital. Je dirigeais mon attention sur la plaie et la visualisais en train de se refermer. La peau de Ian se resserrait peu à...

– Aïe ! S'écria Adam.
– On arrête pour ce soir, nous informa Ian froidement.
– Ok, je vous laisse, je vais aller prendre une bonne douche et un bain de pied, j'ai les orteils fracassés.
– Navrée... lui dis-je avant qu'il ne quitte la salle d'entraînement.
– T'en fais pas, me rassura-t-il en souriant. Je compte bien aller me faire chouchouter par Cloé, faut bien que j'y trouve un avantage non ?

Je lui offris un simple sourire pour réponse et dirigeai mon attention sur Ian dont le visage affichait une mine défaite.

– Ça ne va pas ? Tu as mal ?

Ian se tourna vers moi et me dévisagea.

– Non ça ne va pas Silver.
– Qui y-a-t-il ?
– Il y a que tu t'entêtes à faire quelque chose qui demande des années d'expérience !
– Mais c'est pour notre bien à tous !
– Et moi ?
– Quoi toi ?
– Tu penses à ce que je ressens ?
– Je ne vois pas le mal.
– Laisse tomber !
– Ian... Appelai-je alors qu'il quittait la salle.

Nous nous disputions souvent à ce sujet ces derniers temps. Ian avait accepté de m'entraîner après que je lui ais promis que j'abandonnerais l'idée si l'entraînement ne donnait aucun résultat. C'était le cas pour le moment, mais je ne perdais pas espoir d'y parvenir. Je savais qu'il s'était énervé parce que je ne tenais pas ma promesse mais je n'étais pas prête à renoncer. Pas maintenant. Et tant pis si nous devions nous disputer de temps à autre, au final, ça en valait la peine.
Le cœur lourd, je m'assis contre le mur de droite et remontai mes genoux pour les enlacer de mes bras. J'y appuyais mon menton et fixais le tas de coussin empilés contre le mur opposé. Il fallait absolument que j'arrive à les déplacer. Cela redonnerait espoir à Ian et nos disputes cesseraient enfin car il aurait la preuve que j'en suis capable.
À l'aide de ma télékinésie, je les fis voler dans tous les sens, les envoyant se cogner contre les murs. J'étais toujours capable de déplacer les objets, alors pourquoi ne l'étais-je pas lorsque j'étais en mouvement?


– Je te dérange ?


Surprise je perdis ma concentration et tous les coussins tombèrent dans un même mouvement au sol. Je tournais la tête vers Brice, qui se tenait debout juste à coté de moi. Je ne l'avais même pas entendu rentrer. Ian avait raison, je ne pourrais jamais me servir de mes dons tout en me défendant. J'en avais une fois de plus la preuve, je n'avais pas entendu rentrer Brice et lorsque mon esprit s'était rendu compte de sa présence, tous les coussins avaient cessé leur valse.


– Non.
– À quoi jouais-tu ?
– À rien, je perdais mon temps.
– Je peux le perdre avec toi ?
– Si t'en as envie.
– On fait une bataille ?
– De coussins ?
– Évidement ! Viens.


Brice se leva et me tendit la main pour m'aider à quitter le sol. Je la pris et le suivis au centre de la salle. Nous nous tenions face à face. Brice partagea le tas d'oreiller en deux tas égaux. Puis sans le toucher, il me lança un premier coussin. Je ne m'y attendais pas et le pris en plein visage. Brice éclata de rire et m'en lança un second qui me percuta lui aussi.


– Il me semblait que tu savais faire voler les objets...
– Je n'étais pas prête !
– D'accord.... tu l'es maintenant ?
– Oui.


Un nouveau coussin s'envola vers moi mais je l'évitai et lui en envoyai un à mon tour. Brice n'eut aucun mal à l'éviter et à répondre à mon attaque. Le coussin me fis reculer d'un pas en me touchant en pleine poitrine. De coussin en coussin, je fini par me détendre et prendre plaisir à ce petit jeu. Alors qu'un oreiller toucha mon adversaire en plein visage, Brice en attrapa un à pleine main et me frappa avec.


– Tu triches... Dis-je entre deux coups.
– Je n'aime pas perdre, rigola-t-il.


Victime de ses coups, je m'effondrai au sol. Brice se mit à califourchon sur moi et m'immobilisa de ses jambes.


– Tu t'avoues vaincue ?
– Jamais, répondis-je alors que la situation était désespérée.
– Je vais te faire changer d'avis.


Brice se mit à me chatouiller. Je n'en pouvais plus. Je rigolais tellement que j'en avais mal au cotes et que ma respiration était difficile. J'allais finir par m'étouffer si Brice ne cessait pas.


– Pitié, pitié....arrête...
– Tu t'avoues vaincu ?
– Non, dis-je ne voulant pas abandonner.
– Alors pas de pitié !


Brice repris ses chatouilles. Je parvins tant bien que mal à dégager mes mains et à le contrer. Mais je n'étais pas assez forte pour le maintenir à distance. Alors qu'il avait attrapé mes deux poignets dans ses grandes mains, un coussin vint percuter sa tête avec force. Brice se retourna et regarda tout autour de lui. Il n'y avait personne.


– Comment as-tu fais ça ? Me questionna-t-il.
– Je... Je n'ai rien fait.
– Erin, il n'y a personne ici à part nous et je ne me suis pas frapper tout seul. Tu l'as déplacé alors que tu te débattais pour que je te lâche. C'est incroyable. Recommence !
– Impossible. Je ne sais pas comment j'ai fait.
– Essai...
– Ok.


Brice me chatouilla à nouveau. Me débattant, je n'arrivais pas à lui envoyer un nouvel oreiller. La joie qui m'avait assailli quelques minutes plus tôt me quitta devant mon échec.


– Tu sembles épuisée, mieux vaut arrêter pour aujourd'hui.
– Mieux vaut abandonner je crois.
– Abandonner ! Mais tu es folle ?! Tu as un pouvoir inimaginable, tu dois absolument le travailler.
– Ça fait des semaines qu'on y travaille avec Cloé, Adam et Ian sans que ça ne donne rien.
– Mais tu y es arrivée là !
– Un coup de chance. Ian a raison, il vaut mieux que j'abandonne cette idée, c'est bien trop dangereux.
– Tu as réussi une fois, c'est que c'est possible. Erin... n'abandonne pas...
– Ian et moi ne cessons de nous disputer pour ça, j'en ai assez.
– Dis-lui... Dis-lui que tu as réussi... Dis-lui que tu m'as frappé avec ce coussin alors que tu te défendais.
– Il ne voudra rien entendre.
– S'il te plaît Erin, essai de lui en parler.
– Arrêtons d'en parler.
– Comme tu voudras... Ça te dis une bonne glace ? Aller... ajouta-t-il devant mon silence. Il serait temps que tu visites un peu Londres.
– Ok, je te suis.


Je ne pris même pas la peine de me changer et suivit Brice jusqu'à sa voiture. Il nous mena de rue en rue jusqu'à la Tamise. Brise stationna sur un grand parking et m'invita à sortir. Il m'offrit son bras et me conduisit jusqu'au bord du fleuve. Devant nous, « The London eye » se dressait de toute sa hauteur. D'où nous nous tenions, cette grande roue très célèbre pour son emplacement, me semblait gigantesque.


– On monte faire un tour ?
– Ok.
– Tu vas voir, la vue est magnifique.


Nous fîmes la queue. Brice discuta discrètement avec la caissière et la paya avant de me rejoindre. Un homme nous ouvrit la porte de la cabine, nous montâmes et il la referma juste derrière nous après que la caissière lui ait parlé.


– Nous ne sommes que deux !
– Je me suis arrangé pour. Normalement, une vingtaine de personnes montent dans chaque nacelle.
– Tant que ça !
– Oui et il valait mieux éviter de nous retrouver coincé avec un ou plusieurs traqueurs.
– Oui, tu as raison.


Notre nacelle se mit en mouvement. Quand nous atteignîmes le sommet, je fus stupéfaite de la vue qui s'offrait à nous. Brice tenta de remettre le sujet de mon don sur le tapis mais je l'en décourageai aussitôt. Je ne voulais pas gâcher ce moment. Trente minutes plus tard, le tour était fini et nous marchions sur les bords de la Tamise. Brice nous conduisit vers un glacier. Une fois assis à une table, on nous remit une carte avec des dizaines de glaces différentes. Difficile de choisir. Devant mon hésitation, Brice m'en conseilla une. « La spéciale » Une glace à partager. Dedans, salade de fruits, six boules de glace aux parfums des îles, chantilly, coulis de mangue et éclat de caramel sur le dessus. Quand le serveur apporta le support en verre je n'en revint pas devant la taille de cette gourmandise.


– T'es fou, on va jamais manger tout ça ! M'exclamai-je.
– Toi peut-être pas mais moi oui.


Pour me prouver ses dires, il trempa sa cuillère et prit une première bouchée de glace et chantilly. Je pris ma cuillère et en fis de même. Brice et moi en profitâmes pour discuter de nos vies respectives. Il me demanda comment Ian et moi nous étions rencontrés. Je lui racontais alors ce qui m'avait conduit sur ce toit de New-York et comment il m'avait dissuadée de sauter. En retour, il me parla de Cassie, de leur rencontre, comment elle avait été la première à qui il avait pu se confier et comment leur amitié avait fini en histoire d'amour. Il en vint à me raconter sa demande en mariage et la joie qui l'avait submergé lorsqu'elle lui avait dit oui. Le sujet de nos fiançailles à Ian et moi suivit. Brice avait entendu Rose en parler à qui voulait l'entendre.


– J'aurais voulu te le dire moi même.
– Et pourquoi ça ?
– Parce que je voulais attendre que Cassie soit de retour.
– C'est gentil de ta part, mais tu sais, vos vies à tous ne vont pas s'arrêter pour nous.
– Je ne voulais pas te causer plus de peine.
– Et je t'en remercie, mais je suis vraiment content pour vous deux. Je vous souhaite beaucoup de bonheur. Sincèrement.
– Merci.
– Et s'il n'assure pas, viens me le dire, je m'occuperais de lui. C'est mon rôle puisqu'on est ami. N'est-ce pas ?
– Merci mais je suis certaine que Ian sera à la hauteur.
– Il le sera s'il te laisse faire tes choix et apprend à t'encourager.
– Il m'encourage !
– Pas pour ce qui est de tes capacités en tous cas.
– Ne reviens pas sur ce sujet Brice s'il te plaît.
– Promets-moi de lui dire que tu as réussi alors.
– Je... Ok, je vais lui dire. Cédai-je finalement.
– Il faut croire en toi Erin. Si ton petit ami est trop bête pour t'encourager, moi je le ferais.
– Ian n'est pas bête, il a juste peur que je me mette en danger.
– Tu ne seras pas en danger si tu le maîtrises , et maintenant que tu l'as fais une fois, il ne te reste plus qu'à travailler.
– Tu as peut-être raison...
– Non ! J'ai raison et je serais confiant pour trois s'il le faut. Maintenant, file voir ton homme et va lui raconter ton exploit.


Une fois de retour à l'institut et forte des encouragements de Brice, je me rendais directement dans notre chambre. En entrant, j'entendis l'eau couler dans la douche. J'entrais doucement dans la salle de bain et m'assurais qu'il s'agissait bien de Ian. Je verrouillais la porte donnant sur l'autre chambre et ôtais mes vêtement. Lorsque j'ouvris la porte de la douche, Ian se retourna mais ne m'adressa pas le moindre sourire. C'était ça façon à lui de me faire comprendre qu'il n'était pas d'accord avec moi.


– J'allais sortir, je te laisse la place.
– Non, reste...


Il se recula m'invitant à le rejoindre. J'entrais hésitante.


– Ne m'en veux pas...
– Silver, je n'ai pas envie d'en parler.
– Mais ...
– Non ! Tu connais mon point de vue.
– Oui. Dis-je doucement, la voix brisée par la déception.
– N'en parlons plus, viens-là.


Ian m'attira à lui et m'embrassa sous l'eau s'écoulant sur nos deux corps nus. J'aurais voulu lui dire que j'avais réussi, que j'étais parvenue à faire voler ce fichu coussin tout en luttant contre Brice mais je ne voulais plus de dispute, je ne voulais plus voir ce visage froid se tourner vers moi. J'aimais Ian et je ne supportais plus cette situation conflictuelle. J'abandonnais.
Je me laissais aller contre le corps de Ian et au fil de mes baisers, je sentais ses muscles se détendre. Peu à peu je retrouvais celui que j'aimais et qui m'aimait en retour. Nos baisers se firent si entreprenant que Ian m'attira contre lui et me souleva du sol. J'enroulais mes jambes autour de sa taille et me pressais tout contre son torse. Ian nous sortit de la cabine de douche et me déposa sur le plan libre du lavabo. Il resta entre mes jambes et m'embrassa avidement faisant courir ses mains sur la totalité de mon corps frissonnant sous ses caresses. Il parcourut ma colonne vertébrale du bout du doigts tout en mordillant le lobe de mon oreille. La sensation fut si puissante que je me contorsionnais me pressant un peu plus contre lui. Ian prit ça comme une invitation a devenir plus intime. Il me fit glisser sur le marbre, me rapprochant du bord et entra doucement en moi. Une vague de chaleur m'enveloppa et le désir nous inonda tout deux. Nous n'avions jamais fait l'amour aussi sauvagement. Cette fois c'était notre désir qui commandait. Nous ne répondions qu'à nos pulsions, qu'à notre besoin de sentir l'autre toujours plus près. Heureusement que j'avais fermé la porte car un intrus aurait pu être choqué. Nous finîmes notre étreinte sur le matelas confortable de notre lit. 

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