lundi 26 décembre 2011

Chapitre 9



Je me réveille, je suis dans une petite pièce très sombre, où seule une faible lumière éclaire lugubrement le décor. Devant moi, je repère une silhouette féminine aux lignes gracieuses et aux longs cheveux.



- Suis-moi Savannah, je vais te montrer quelque chose.

- Qui êtes-vous ?

- Je suis Sabrina.

- On ne se connaît pas. Si ?

- Si, tu m'as bousculée il y a quelques temps tu ne te souviens pas ?

- Tu es la succube ?

- Gagné ! Ricane-t-elle.

- Que veux-tu ? Pourquoi ne me laisses-tu pas tranquille ?

- Je ne veux rien de toi, je suis ce que je suis et fais ce que j'ai à faire. Je reconnais que je ne t'ai pas beaucoup laissé de répit mais je dois avouer que ton esprit torturé, plein de remord est un vrai parc d'attractions pour moi. Cependant, je ne suis pas là pour te torturer aujourd'hui. Je veux te montrer Gabriel !

- Gabriel ? Pourquoi ? Qu’a-t-il à faire dans mon rêve ?

- Tu verras, tu devrais aimer ce que tu vas voir. Dans tous les cas, moi je vais aimer te voir le découvrir vraiment. Me dit-elle en ouvrant une porte et en la passant.

N'ayant pas d'autre choix je la suivais, de toute façon, j'étais incapable de contrôler quoi que ce soit.

Nous étions dans une sorte de couloir tout blanc, très éclairé, avec des portes de couleurs différentes de part et d'autre.

- On va encore loin ?

- Non, on y est presque.

- Où mènent toutes ces portes ?

- Nous sommes dans ton esprit, tu devrais savoir où elles conduisent.

- Pourtant je l'ignore.

- Quel petit ange naïf ! Ce sont les portes de ta vie. Certaines mènent à ton passé lointain, d'autres au proche et la troisième catégorie conduit à ton futur.

- Et où allons-nous ?

- Ce soir, j'ai décidé d'être gentille avec toi et te conduire dans ton passé lointain, avant même que tu ne viennes au monde.

- Et si je ne veux pas ?

- Crois-tu vraiment avoir le choix ? raille-t-elle.


Bien entendu que je ne l'avais pas, j'aurais essayé. En tout cas, c'était la première fois que la succube me parlait aussi longtemps et surtout qu'elle m'annonçait ce qui allait se passer.

Elle finit par s'arrêter devant une porte blanche.

- On y est !

Elle ouvre la porte et entre.

- Qu'est ce que tu attends ? Tu comptes coucher là ?

Je fais un pas vers le seuil et tente d'observer à l'intérieur mais tout ce que je vois, c'est une très forte lumière m'empêchant de voir quoi que ce soit d'autre. J'entre donc. De toute façon, hormis être terrorisée ou horrifiée une fois de plus je ne risque pas grand chose.

La porte se referme derrière moi, et je me retrouve seule. Peu à peu, la lumière s'atténue et me laisse voir ce qui s'y passe.

Je ne suis pas dans une pièce mais dans la rue. Je suis surprise. Je m'attendais à me retrouver dans une petite pièce comme à mon réveil. Je regarde tout autour de moi et un couple attire mon attention. Seul le jeune homme me fait face et croyant le reconnaître je décide de m'approcher un peu. Je reste discrète car je ne veux pas entrer dans leur intimité. Comme je le pensais, il s'agit de Gabriel, il est beaucoup plus jeune. Il tient un carton à dessin sous son bras droit et de l'autre enlace une jeune femme à la longue chevelure ondulée et châtain.
Le visage de Gabriel s'approche de celui de la femme et il finit par l'embrasser. D'où je suis, je vois la main de Gabriel lui caresser le dos doucement et leurs lèvres collées. Ils restent un long moment à se câliner puis repartent. Je décide de les suivre un peu, après tout, Sabrina m'a dit que j'étais là pour découvrir des choses sur Gabriel. Ils finissent par entrer dans un immeuble. J'entre à mon tour et me retrouve à nouveau dans le couloir où m'attend la succube.

- Pièce suivante me dit Sabrina.

Elle ouvre la porte juste à côté. J'entre et me retrouve dans un appartement, plus précisément dans ce qui ressemble à un salon. Gabriel est assis dans un fauteuil de cuir marron, il regarde la télévision. J'en profite pour regarder un peu tout autour de moi. Il n'y a rien de spécial, un grand meuble marron foncé où trône plusieurs livres et cassettes vidéo ainsi que des verres que je peux voir au travers de la vitrine. Soudain, alors que je me dirige vers un cadre, Gabriel se lève et change de pièce. Tant pis, j'abandonne la photo au mur et lui emboîte le pas pour découvrir une chambre de bébé.
Les murs sont peint en rose pâle et aubergine et l'ensemble des meubles sont blancs avec un liseré large assorti aux murs. Gabriel est en train de finir de fixer des rideaux fins, de couleur blanche à la grande fenêtre qui éclaire généreusement l'ensemble de la pièce. Je jette un dernier coup d'œil aux multiples petits jouets et peluches posés sur une bibliothèque et repasse la porte pour retourner au salon mais une fois de plus je me retrouve dans cet affreux couloir blanc avec la succube.

- On continue ! Dit-elle en avançant un peu et en ouvrant une autre porte.

Je commençais à en avoir assez de ce petit jeu. Je ne voulais vraiment pas continuer.

- Bon alors tu continues ta visite ?

- Non, j'en ai assez, je ne vois vraiment pas où tu veux en venir !

- Passe la porte et tu verras bien !

- C'est la dernière ?

- Non, il y en a deux autres ensuite.

Je soufflais bruyamment et entrais, me retrouvant dans un bar. Gabriel est assis au bar et commande un verre. Il semble malheureux.



- Max un autre s'il te plaît.



- Gabriel tu ne veux pas plutôt parler un peu et me dire ce qui ne va pas ?



- Mais tout va bien mon ami ! Je vais être papa, c'est merveilleux non ?



- Félicitation gars ! Pourquoi te saoules tu ? Je ne comprends pas.



- Je ne pense pas être à la hauteur. Anne est si merveilleuse, elle fera une merveilleuse maman. Elle a complètement achevé la chambre de la petite et il ne nous reste plus qu'à attendre que le dernier mois passe.

- Gabriel, ça fait plusieurs années maintenant qu'on se connait. Tu paniques c'est normal. Tu es un mec droit, courageux et sérieux, tu feras un père aimant et protecteur. Tu seras un bon père.

- Tu as sûrement raison !

- Allez futur papa, je t'appelle un taxi.

- Ok merci Max.

- De rien, c'est normal.

Gabriel sort du bar, je le suis et me retrouve seule sur le trottoir lorsqu'il monte dans la voiture. Il avait dit avoir quitté sa femme et son enfant mais je ne pensais pas que c'était sur un coup de stress. Je retournais dans le bar et alors que je me rendais aux toilettes, je me retrouvais une fois de plus face à face avec Sabrina.
Avant même qu'elle ne prenne la parole je lui demandais où était la porte suivante et y entrais pour me retrouver dans un parc, je dirais même que je me trouvais à Central Parc. Gabriel était sur un banc, avec un homme. Je me postais non loin afin d'essayer d'entendre la conversation.

- .....

- Non, non, il en est hors de question

- Tu ne peux pas rester Gabriel.

- Je ne vais pas quitter ma femme et ma fille.

- Tu n'as pas le choix.

- Vous ne pouvez pas m'y obliger.

- Que crois-tu qu'elle dirait si elle apprenait que tu es un assassin ?

- Elle m'aime. Elle comprendra si je lui explique.

- Et s'il lui arrivait un malheur ? Ou à la petite ?

- Est-ce une menace ?

- Tu le prends comme tu veux !

- La petite va bientôt naître, laissez-moi au moins y assister, lui expliquer.

- Non, nous partons immédiatement. Je te ramène en France.

Gabriel démoli intérieurement finit par suivre l'homme. Finalement il n'avait pas choisi de quitter sa famille, il l'avait fait pour la protection de son amour et de leur fille.

- Satisfaite de ce que tu vois ? Me demande Sabrina qui vient juste d'apparaître derrière moi.

- Il n'a pas choisi de les quitter.

- Et alors, le fait... elles sont restées seules, sans savoir ce qu'il lui était arrivé.

En l'entendant, je me revoyais avec maman. Après tant d'années, elle ne pouvait s'empêcher de penser à mon père, de se demander pourquoi il l'avait abandonnée si subitement. Si ça se trouve, il y a été contraint lui aussi. Je voulais soudainement y croire, me convaincre qu'il n'avait pas simplement fait le choix de nous abandonner, de laisser ma mère à la limite de la noyade dans sa tristesse.

- On continue me lance Sabrina.

Une nouvelle fois, nous étions de retour dans le grand couloir.
La succube avance jusqu'à une porte marron et me l'ouvre.

- Auras-tu le courage de découvrir ce qu'elles sont devenues ? Veux-tu savoir comment sa femme et sa fille ont vécu cet abandon ?

Je lui fais signe que oui et entre. J'arrive dans un appartement où j'entends des pleurs d'enfant. Je me dirige vers les sanglots et regarde par la porte entrouverte. Je reconnus la silhouette de la jeune femme de la première porte. Elle avait attaché ses cheveux en une queue de cheval. Une fois de plus je ne la voyais que de dos. Elle s'installe dans un fauteuil à bascule avec son enfant et lui fredonne une petite chanson.

Dors mon ange, dors ma fille
Je veille sur tes pensés
Dors mon amour, dors ma fille
Demain sera une nouvelle journée.
....

Le son de cette voix....cette mélodie...je les connaissais.
C'était...c'est la même mélodie que ma mère me fredonnait quand j'étais petite et que je me réveillais après un cauchemar.
Je profite de la berceuse tout comme ce bébé bercé par les bras de sa maman.
Que c'était bon de l'entendre fredonner ainsi. Je me replongeais dans mes souvenirs d'enfance. Je revoyais ma mère. Comme si mon souvenir se calquait sur mon rêve, les deux voix coïncidaient parfaitement, les sons n'émanaient plus que d'une seule et même personne....de ma mère.
Je pousse la porte doucement et d'un pas hésitant, je m'avance et contourne la chaise à bascule où est assise....j'en reste sans voix lorsque ce que je pressentais s'avère exact. Je n'avais pas en face de moi une simple jeune femme, mais ma mère.
Et si elle était bien là, ce bébé ne pouvait être que moi. Les larmes me submergeant, je sors de la petite pièce et vais me réfugier dans une autre. En ouvrant je découvre la chambre de ma mère, je la reconnais immédiatement car elle n'a pas changé, elle est comme dans mes souvenirs.
Je m'assois sur son lit et m'écroule sur son oreiller. Il a son odeur. Je voudrais ne plus jamais partir d'ici et rester avec ma mère.



- Tu n'as qu'une chose à faire pour ça me lance la succube.



- Laisse-moi ! J'aurais dû me douter que tu mijotais quelque chose.



- Pourquoi ne pas rester avec elle ? Il te suffirait de rencontrer l'un de mes amis, il arrangera ça avec plaisir. Crois-moi !



Sa proposition demandait réflexion. Mais j'étais consciente qu'elle engendrerait de lourdes conséquences. Tout ce que je voulais, c'était que ma mère revienne près de moi, qu'elle rencontre Ian et qu'on vivent tous les trois tout simplement. Je suis certaine qu'elle l'aimerait, comment pourrait-il en être autrement ? Mais la proposition de Sabrina est tout autre. Elle me demande de faire un choix entre rester ici avec ma mère et perdre Ian ou continuer mon existence sans elle mais auprès de celui que j'aime. Comment choisir ?



- On va partir maintenant me dit la succube.



- Une minute encore je t'en prie.



- Très bien, je te l'accorde.



Je me lève et arpente la chambre. Sur le bureau de ma mère se trouve une grande boite que je ne connais pas. Je m'en approche et regarde à l'intérieur.
Plusieurs objets s'y trouvent. Des tickets de cinéma, quelques photos de ma mère, son dossier de grossesse, divers documents administratifs au nom de John Dedraine, mon père. Vu mon âge, il doit avoir disparu depuis peu. Il y a des comptes rendus de police, un avis de recherche et tout au fond, je trouve une photo où est inscrit « John et Anita, 16 juillet » Je la retourne et vois ma mère et ....



- Gabriel Dis-je en découvrant son visage près de ma mère.



Je retourne à nouveau la photo et relis l'inscription. « John et Anita, 16 juillet »



Je n'y comprends plus rien...et avant même que je ne puisse chercher de nouveaux documents capables de m'aider Sabrina m'attrape brutalement par le bras et m'entraîne dans le couloir.



À peine ai-je passé la porte, que je me retrouve assise dans mon lit, Ian assis près de moi, un bras autour de mes épaules et l'autre me tenant la main. Il ne me quitte pas du regard et attend que je lui parle, que je le rassure.



- Ne t'en fais pas, je vais bien dis-je en sentant les larmes couler le long de mes joues.



- Un horrible cauchemar encore ?



- Non lui dis-je doucement.



- Raconte-moi ce qu'il s'est passé Sil.



J'entame alors mon récit comme à chacun de mes réveils et lui raconte tout à l'exception de la proposition de Sabrina. Je préfère pour le moment garder ça pour moi. Je lui en parlerai un peu plus tard. Mais sinon je lui dis vraiment tout dans les moindres détails jusqu'à la fameuse photo.



- Tu es certaine que c'était lui ?



- Oui, Ian, j'en suis sûre, c'était Gabriel sur la photo et c'était lui dans les autres passages qu'elle m'a montrés.



- Il serait ton père ?



- Je n'en sais rien mais...si ce qu'elle m'a montré est fiable alors oui, il se pourrait bien que ce soit lui mon père et je sais même pourquoi il est parti et nous a quittées.



- Attends Sil, ne te fais pas trop d'illusions. Je ne voudrais pas que tu sois déçue en apprenant qu'elle t'a menée en bateau. Essayons de nous renseigner avant de faire quoi que ce soit. Tu veux bien ?



Je hoche la tête et m'allonge sur le lit, l'entraînant avec moi.
Ian m'enlace et je ne résiste pas à poser mes lèvres sur les siennes en me faisant de plus en plus demandeuse.
Il répond à mes attentes et m'embrasse plus intensément. Je descends mes baisers jusque dans son cou et alors que j'allais commencer à me faire plus audacieuse, je l’entends bailler, ce qui me ramène à la réalité. Le pauvre n'a toujours pas dormi depuis la veille, il m'a veillée une fois de plus puis a pris le temps de m'écouter à mon réveil.
Je me redresse sur un coude et le regarde avec tendresse.



- Qu’y a-t-il Sil ?



- Rien.



- Tu ne veux...



- Chuttt lui dis-je avec douceur. Tu as dit que ça se ferait quand ce serait le moment. Je ne pense pas que ça le soit. Tu tombes de fatigue, mieux vaut que tu dormes à présent.



- Oh Silver ! Je suis désolé, je ne pensais pas que tu m'avais vu...



- Ce n'est pas grave, je t'assure. Endors-toi maintenant, je ne risque rien. Je vais aller prendre ma douche et on se retrouve à ton réveil.



- Ok me dit Ian en baillant à nouveau.



Je le regarde un instant s'endormir.

- Dors bien mon amour dis-je dans un murmure en lui embrassant doucement les lèvres pour ne pas le réveiller.

- Merci me répond-t-il sans rouvrir les yeux alors que je le croyais endormi.

3 commentaires:

Céline a dit…

Waouh !!
J'avais un doute sur Gabriel et je vois que j'avais raison, il est le père de Silver. Très bon chapitre, une fois encore.
Bonnes fêtes et à bientôt

Lau. a dit…

Je le savais! J'en était sure, que c'était son père!!
Sabrina n'est peut être pas une mauvaise chose dans ce cas, elle lui permet d'en apprendre plus en une nuit que Silver elle même depuis sa naissance.

La scène de fin est trop mignonne!

Val a dit…

Quel rebondissement!!!
J'avoue que je ne l'avais pas vu venir. Mais c'est super de lui faire retrouver son père.

Moi aussi je trouve la fin très romantique...